M. Blanchard, pouvez-vous nous dire quelles sont vos fonctions au sein de l’université Paris 13 et du laboratoire EXPERICE ?
J’ai été recruté en 2015 comme Maître de conférences en Sciences de l’éducation au laboratoire EXPERICE de Paris 13. C’est un laboratoire assez original, d’une part parce qu’il est situé sur deux sites différents, à Paris 8 et à Paris 13, d’autre part parce qu’il permet à la petite équipe de d’enseignants-chercheurs qui y officient de travailler sur des sujets qui débordent largement du cadre classique de l’institution scolaire.
Nous nous intéressons en effet à tout ce qui touche aux apprentissages informels et abordons les questions de l’éducation de façon moins rigide que ce à quoi on les réduits parfois.
Certains de mes collègues travaillent ainsi sur la thématique du jeu, d’autres sur l’animation ou la petite enfance.De mon côté, je m’intéresse à toutes les problématiques entourant l’exclusion, l’intervention sociale ou encore l’insertion professionnelle. Je développe ces travaux au sein d’un axe de mon laboratoire intitulé « Le Sujet dans la Cité ». C’est en effet par le biais de cette focale particulière que nous abordons nos terrains de recherche, avec pour fil conducteur de toujours veiller à partir des savoir-être et des savoir-faire des individus, afin de révéler leurs potentialités, souvent insoupçonnées.
Par ailleurs, mes questions de recherche m’amènent également à me pencher sur des thématiques relatives aux interactions entre l’être humain et les animaux. La thèse de doctorat que j’ai soutenue en 2013 portait ainsi sur les sans-abris accompagnés de chiens.
En quoi votre implantation sur le site de Villetaneuse s’avère-t-elle utile à vos travaux ?
Faire de la recherche dans une université comme Paris 13, c’est pouvoir s’ancrer sur un territoire riche et étonnant, même si celui-ci demeure méconnu, voire stigmatisé parfois.
Mes travaux de recherche débordent bien évidemment du 9-3 et me conduisent aux quatre coins du pays, toutefois c’est souvent localement qu’on peut initier les projets les plus prometteurs.
Je m’en suis rendu compte dernièrement en entamant une collaboration de recherche fructueuse avec l’association « Les Fermiers de la Francilienne » qui dispose d’une ferme pédagogique à Villetaneuse, juste en face de l’université Paris 13. L’action sociale qui y est menée est remarquable puisque l’association accueille près de 40% de TGIstes de Seine Saint-Denis, inscrits dans des projets de peines alternatives à la prison.
J’ai entamé depuis quelques mois une évaluation de leur action et me suis rendu avec Julien Boucher, le coordinateur de l’association, au ministère pour valoriser le travail de ces fermiers atypiques.
Leur expérience est tellement riche et originale qu’un documentaire intitulé “Un mois (à la) ferme” vient d’être réalisé par Baya Bellanger et est actuellement diffusé sur la chaîne Parlementaire (1).
Quels sont les résultats et enseignements que vous avez tirés de vos différents projets de recherche ?
L’une de mes principales conclusions réside certainement dans le fait que les fragilités provoquées par les aléas du monde contemporain génèrent également des expériences qui peuvent s’avérer très positives pour les personnes, pour peu qu’on les prenne au sérieux et que l’on sache les accompagner dans leur cheminement.
En tant qu’enseignant-chercheur en Sciences de l’éducation, je tente justement de proposer aux étudiants – dont beaucoup se destinent à des carrières dans le social ou le médico-social – des formations qui prennent en compte cette dimension essentielle. En effet, on a trop souvent tendance à réduire les personnes à leurs défaillances ou et à les enfermer dans leur statut de « bénéficiaires » ou de « victimes ». En réalité, ce sont avant tout des Sujets politiques capables, si besoin, de mettre leur pouvoir d’agir en mouvement.
A titre personnel, j’essaie d’en faire autant au sein d’un univers universitaire souvent moins lisse et plus violent qu’il n’y parait.
(1) « Un mois (à la) ferme », documentaire de Baya Bellanger diffusé sur la chaîne Public Sénat (canal 13) le samedi 1er décembre 2018 à 21h ; dimanche 2 décembre 2018 à 10h ; samedi 8 décembre 2018 à 22h30 ; dimanche 9 décembre 2018 à 11h30 ; dimanche 16 décembre 2018 à 12h30.