M. Baubet, pouvez-vous nous dire quelles sont vos fonctions au sein de l’université Paris 13 et de l’hôpital Avicenne ?
Je suis professeur de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent à l’UFR SMBH de l’université Paris 13, membre de l’UTRPP, chef du service de psychiatrie de l’enfant, de l’adolescent et de psychiatrie générale de l’hôpital Avicenne (AP-HP) et responsable de la cellule d’urgence médico-psychologique (CUMP) de Seine Saint-Denis. Les axes de travail principaux de mon équipe concernent la psychiatrie transculturelle et le traumatisme psychique. Depuis la semaine dernière, nous savons que nous avons remporté, en partenariat avec le CHU de Lille, l’appel à projet pour la création du Centre National Ressources Résilience voulu par le gouvernement. Ce projet qui concernera la recherche, la formation et l’information du grand public sur les psychotraumatismes et la résilience sera un enjeu important pour 2019.
Vous avez mené une étude avec Santé publique France (SPF) et l’Inserm sur les impacts psychologiques et des troubles de santé post-traumatique causés par les attentats du 13 novembre et mesurés pour la première fois.
Pouvez-vous nous en dire plus ?
Cette étude menée dans le cadre plus général du Programme 13 Novembre est la première étude épidémiologique post-attentat réalisée en France par webquestionnaire. Elle est originale à plusieurs titre : elle s’adresse aux personnes confrontées aux événements qu’elles soient victimes ou intervenants (secours, force de l’ordre, personnels de santé), elle a permis le recrutement de personnes qui ne se sont pas forcément signalées aux autorités, et elle est basée sur une méthode mixte quantitative et qualitative. Elle a été construite avec un très large comité de pilotage incluant les impliqués, victimes et professionnels. Enfin la dimension éthique a été prise en compte soigneusement : par exemple durant la période de passation des questionnaires, une équipe de psychologues et une hotline étaient à disposition des enquêtés qui pouvaient être mis en difficulté par la passation du protocole.
Quels sont les résultats et enseignements que vous avez tirés de cette étude ?
Les premiers résultats ont été publiés dans le Bulletin Epidémiologique Hebdomadaire cette semaine. Ils montrent, près d’un an après l’événement, l’importance des conséquences psychologiques et sociales des attentats sur les victimes directes, mais aussi sur les témoins non directement menacés, qui ont reçu peu ou pas de proposition d’aide et n’ont pas été reconnus comme victimes par la Justice. Enfin, il apparaît que les endeuillés, même s’ils n’étaient pas sur place, sont les plus fortement affectés. La prévalence du Trouble de Stress Post-Traumatique (TSPT) dans ces trois groupes est respectivement de 54%, 21-27%, et 54%. Par ailleurs, 46% des personnes affectées par un TSPT ne reçoivent pas de soin (proportion plus élevée chez les témoins et les endeuillés), ce qui est un réel problème dans la mesure où il s’agit d’une pathologie sévère et invalidante avec de lourdes conséquences pour les sujets atteints, et qui peut tout à fait se soigner. Il s’agit d’un point que nous allons investiguer de manière plus détaillée, tout comme les parcours de soins. Les prévalences de TSPT sont moins élevées chez les intervenants, mais là aussi, des résultats apparaissent qui nous permettent de suggérer des pistes pour l’évolution des politiques publiques : par exemple chez les intervenants, le fait d’avoir été formé et préparé à la gestion du stress et aux situations de crise est un facteur protecteur important. Il nous reste encore de nombreux résultats à analyser.
Une 2e phase d’enquête doit être menée au premier semestre 2019.
Il s’agira d’un nouveau webquestionnaire permettant d’étudier l’évolution de l’état de santé des personnes concernées à trois ans, et d’analyser les facteurs associés à cette évolution. Ce questionnaire sera proposé à tous les participants de la première vague, mais sera aussi ouvert à tous ceux qui n’avaient pas pu y participer.
Contacts
Thierry BAUBET
Professeur de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent
@tbaubet
- Université Paris 13 Sorbonne Paris Cité, EA 4403 (UTRPP)
@UTRPP_Paris13 - CESP Inserm 1178
- Service de Psychopathologie de l’enfant, de l’adolescent, psychiatrie générale et addictologie spécialisée
Hôpital Avicenne – 125 rue de Stalingrad – 93009 Bobigny Cedex
Tel : +33 1 48 95 54 75 – Fax : +33 1 48 95 59 70
Retrouvez le numéro spécial du Bulletin Epidémiologique Hebdomadaire sur http://invs.santepubliquefrance.fr/Publications-et-outils/BEH-Bulletin-epidemiologique-hebdomadaire/Archives/2018/BEH-n-38-39-2018