S’il y a un principe sacré qui relie les trois monothéismes et au-delà toutes les sociétés humaines c’est bien l’interdiction de tuer son semblable. Et malgré tout, que constatons-nous ?
Que l’humanité continue de s’affronter violemment, qu’on extermine des peuples, on exploite des êtres humains, on viole et on opprime comme si une violence consubstantielle était inscrite dans l’ADN de l’humanité. La violence n’est pas seulement réelle. Elle est aussi symbolique lorsque nous humilions, rabaissons, disqualifions des groupes d’hommes et de femmes en raison de leur appartenance ethno-racial, sexuelle, religieuse, territoriale…
Alors que faire ? Pour moi qui ai eu la chance de passer ma vie à étudier et à partager mon modeste savoir avec de nombreuses générations d’étudiantes et d’étudiants, l’université est une des perspectives de réponse. Pourquoi ? Parce qu’on peut y parler sans avoir peur d’être condamné, parce qu’on peut y débattre même vivement sans être inquiété, parce qu’on peut y accueillir des femmes et des hommes venus du monde entier sans qu’elles ou qu’ils soient discriminé(e)s. Parce qu’à l’université, la violence est détestée et immédiatement sanctionnée.
Pendant presque dix ans, j’ai assuré à Bobigny un cours d’anthropologie des faits religieux auprès d’étudiants de licence dont certains étaient croyants et pratiquants et jamais je n’ai eu l’impression de mettre ma vie en danger alors même que l’anthropologie déconstruisit les religions et parfois les désenchantent. Il faut défendre sans relâche ces espaces de liberté d’expression et surtout accepter de débattre sans condition.
La meilleure façon que j’ai trouvée de rendre hommage à Samuel Paty, c’est cette photo que j’ai prise lors de la manifestation qui avait suivi son assassinat. Une jeune femme, musulmane arbore une robe tricolore, aux couleurs de la France et porte une pancarte où sont écrites les paroles suivantes : « Quand on n’aime pas un dessin, on ne tue pas les gens, on en fait un plus joli ». Et ces paroles étaient signées, Léa, 6 ans. Photo D. Verba.
Villetaneuse le 14 octobre 2022
Daniel Verba – Référent Laïcité