Suite à la présentation du LEEC (Laboratoire d’Ethologie Expérimentale et Comparée) et de l’éthologie, nous interrogeons aujourd’hui Isabella Clegg qui réalise sa thèse sur le bien-être des dauphins en captivité au Parc Astérix.
Doctorante au LEEC, Isabella est co-encadrée par madame Fabienne Delfour, responsable scientifique au Delphinarium du Parc Astérix, et Heiko .G. Rödel, Directeur du LEEC. Notons qu’elle bénéficie d’une bourse CIFRE, ce qui signifie que le Parc Astérix finance sa thèse, une première pour une structure animalière.
> En savoir plus sur la bourse CIFRE
Dans la présente interview, Isabella Clegg nous partage ses premiers résultats sur le lien entre l’optimisme et le niveau de sociabilisation. Un lien pour la première fois mesuré et prouvé chez le dauphin.
Interview d’Isabella Clegg, doctorante au LEEC
Qu’avez-vous fait avant d’être inscrite au LEEC ?
J’ai d’abord fait une licence en Angleterre pendant laquelle j’ai étudié le comportement et le bien-être animal, puis un Master à l’université de Miami dans laquelle j’ai étudié la biologie marine. Six mois après, je suis arrivé au Parc Astérix pour réaliser ma thèse.
Cela fait trois ans que vous êtes au LEEC, quel est l’objet de votre thèse ?
Mon objectif est de trouver des mesures objectives du bien-être des dauphins en captivité. L’approche est la suivante : on combine la mesure du comportement, de la physiologie et de la cognition. L’utilisation de l’ensemble de ces mesures permet une meilleure fiabilité des résultats, contrairement à une seule.
Comment procédez-vous à la mesure du bien-être animal ?
J’ai de la chance d’être au Parc Astérix puisque je peux effectuer des observations quotidiennes auprès des dauphins. J’ai pu ainsi mieux prendre en compte leur état de bien-être, état que l’on détermine sur une période de longue durée.
L’objet de la première étude dans le cadre de ma thèse a été d’identifier les comportements des dauphins. Nous voulions connaître leurs habitudes avant et après les entraînements, le matin et l’après-midi. Après plusieurs observations, nous avons pu constater que les dauphins anticipent l’entraînement et qu’à la suite de ce dernier ils pratiquent des comportements sociaux positifs. Autrement dit, ils nagent de façon synchronisée en groupe.
Pour la suite de ma thèse, je me suis inspirée d’approches du bien-être appliquées à des animaux fermiers. Nous avons réalisé le test du « Biais cognitif », habituellement appliqué aux chiens, avec les dauphins du parc. C’est une première dans une structure animalière. Ce test nous a permis de mesurer l’émotion du dauphin, nous avons donc pu connaître son niveau d’optimisme et constater qu’il est élevé lorsqu’il pratique la nage synchronisée avec ses pairs. Ce qui revient à dire que le dauphin le plus optimiste est également celui qui nage le plus avec les autres. Pour de plus amples explications :
> Les dauphins qui nagent de manière synchrone sont les plus optimistes
> Synchronised swimming seems to make dolphins more optimistic
Quels sont les moyens dont vous disposez au Parc Astérix ?
J’ai le droit d’accéder tous les jours au delphinarium du Parc Astérix. De ce fait, je peux observer longtemps les dauphins afin de mieux comprendre leurs comportements. De plus, grâce aux soigneurs et à leur proximité avec les dauphins, je peux mettre en place différents exercices avec un système de récompense à la clef. Le test d’optimisme (précédemment cité) n’aurait pas été possible sans le travail des soigneurs. C’est avec eux que nous avons adapté le test au dauphin.
Quel est le but de ces recherches ? Autrement dit, quelles seraient les applications dans la société ?
J’espère que d’autres delphinariums verront les résultats de mes recherches et les utiliseront pour le bien-être de leurs dauphins. Par exemple, en les observant simplement, en regardant s’ils pratiquent la nage synchronisée, les delphinarium peuvent désormais mesurer leur niveau d’optimiste. Ils pourront donc connaître l’impact des exercices et des autres activités sur le bien-être des dauphins et ainsi, les ajuster de façon à ce que leurs dauphins se sentent mieux.
En ce moment, nous menons une autre expérience avec les soigneurs. Nous souhaitons savoir si le dauphin préfère jouer dans le bassin ou interagir avec un soigneur. C’est l’exemple de recherche dont les résultats peuvent servir à d’autres delphinariums, mais également au grand public qui souhaite mieux connaître la relation entre le dauphin et l’être humain.
Allez-vous continuer à étudier les dauphins ?
L’intérêt pour moi dans la recherche se porte notamment sur la transmission du savoir vers le grand public. Ma thèse se termine à la fin de cette année universitaire, suite à cela j’aimerais continuer mes recherches que ce soit avec des dauphins en captivité ou dans leur milieu naturel.
Interview de Fabienne Delfour, responsable scientifique au Parc Astérix
Le Parc Astérix héberge des grands dauphins et des otaries de Californie et comme toute structure animalière en France, il doit mener des activités de conservation, d’éducation et de recherche. Ce sont mes missions en tant que responsable scientifique au Parc Astérix depuis dix ans.
Activités pédagogiques
Le Parc Astérix propose des activités pédagogiques à ses visiteurs, notamment aux élèves d’écoles primaires. Le programme se découpe en trois parties, une présentation en salle des dauphins et des otaries ainsi que leur mode de vie, la visite du delphinarium et pour finir les soigneurs répondent aux questions des élèves.
Activités de conservation
Le Parc Astérix finance des projets de recherche sur des mammifères marins en milieu naturel. Il contribue notamment au projet de protection des phoques moines en Méditerranée, une espèce en voie de disparition. Il finance également des missions scientifiques sur le terrain comme des études en éthologie et acoustique menées sur les grands dauphins.
Activités de recherche
La dernière partie de mes missions consiste à mettre en place et à diriger des études sur le comportement, la cognition et le bien-être des des dauphins et des otaries. L’équipe du Delphinarium collabore à des études nationales et internationales et j’accompagne des étudiants dans le cadre de leur stage, provenant notamment des Masters 1 et 2 d’éthologie de l’Université Paris 13.
De plus, je co-encadre deux thèses, la thèse d’Isabella Clegg et une seconde menée par le CNRS et le laboratoire d’Orsay sur l’acoustique et le comportement des grands dauphins. Enfin, je mène des recherches en milieu naturel sur d’autres espèces de mammifères marins.
Un mot sur la thèse d’Isabella
La thèse d’Isabella permet pour la première fois d’obtenir des mesures objectives sur le bien-être des grands dauphins en captivité. : des mesures liées au comportement et à la cognition ainsi qu’à la physiologie. L’intérêt est de pouvoir discuter en se basant sur ces nouveaux critères de mesure et non plus sur des opinions personnelles, qu’elles soient positives ou négatives. Nous disposerons de moyens qui nous permettrons de savoir si les animaux sont en bonne santé ou non, s’ils se sentent et se portent bien ou non.
C’est un apport considérable pour les études concernant le bien-être des animaux : le but étant de faire avancer les recherches scientifiques et de transmettre ce savoir au grand public.
Merci à Isabella Clegg et à Fabienne Delfour d’avoir accepté de répondre à nos questions.